Extraits, le quatrième état de la matière, de Loránd Gáspár





Ici il fait si tard.


Nous irons par l'autre bout des choses


Explorer la face claire de la nuit.





Je connais des matins devenus fous d'étendue


de désert et de mer.



...

Et comment vais-je lire

Dans ce cliquetis fou

Lorsque tu inventeras de mourir ?



Monde grave


où plus rien n'est insulté, ni laid


le jour marche sur les plafonds


dans ses entrailles cuivrées





Lumière de loin.

Je voudrais pouvoir t'insuffler la fraîcheur
capillaire par capillaire

Je voudrais que tu sentes le glissement de
l'air et le resserrement des papilles

Je voudrais te faire des mots verts au matin
des mots

Que tu eusses envie de toucher, de broyer,
jusqu'à en avoir les doigts usés


Je voudrais t'écrire avec mes ongles dans
l'âge paresseux de la pierre et peut-être

dans les yeux

Te convaincre de la terre






Que faire d'une lumière


qui ne peut rien être que lumière ?






Personne ne sait 
 
Le destin des couleurs en l'absence des yeux.




Peu à peu toute joie devient nue 

On avance dans l'arbre complexe du voir. 

Ce soir obsédant, démesuré, 

Dans le ventre, les mains, la poitrine, 

Peu à peu on apprend à écouter 

Quelque part la chute du jasmin



Notre présence se fait lentement de loin

Ordre privilégié de l'espace

Ici, enfin, en pays inutile

Le vent fait de grands gestes heureux.






Je voudrais apprendre à doucement défaire mes lèvres


et ne pas m'arrêter de rire.


Apprendre à m'assouplir


dans des gestes de plus en plus nus et entrouverts


le cœur tout entier impudique dans la gorge


à force d'inventer le désert.




Il faut un long sommeil pluvieux,
 
puis tel un levain dans l'accord des bruns,
 
une tribu du désert dans l'acier de l'aube

qui repart dévaster l'horizon.



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