C'est
assez maintenant. Il faut sortir de ce bourbier. Nous sommes face au
mur de l'évidence. Tout est écrit dessus. Chaque tag est
signifiant. Décode. Essaye de décoder. C'est juste un peu à
l'envers mais si tu trouves le bon angle ça va de soi. Puzzle.
Rébus. Cette lettre-là, elle est arrivée là au moment du
basculement. La chute l'a amené au milieu de ton champ. Ce n'est pas
normal. On va la faire coulisser. J'ai du matos ; Viens. Tiens.
Prends ça. Avec cette chaîne et cette poulie on va virer cette
lettre qui nous obstrue la compréhension. T'y es ? Tire, vas-y
tire putain. On y arrive, viens on va la mettre un peu plus haut
là-bas, dans un coin. C'est pas mieux ? J't'avais dit. Reste
quand même à décoder le merdier. T'as une idée ?
Terre lointaine
Au
loin
la
poussière rouge
La peau
chaude
Un
brouhaha de vie
Pas de
fous questionnements
Quand je
naviguais à mobylette
Ni, je
crois, quand j'allais à l'école,
de
féroces interrogations sur le sens de l'éducation
alors
même que j'étais maitresse
Il me
semble
Pourtant
Que je
ressentais déjà
Avec
vertige
Le vide
Je ne
sais plus
La
poussière rouge
Ça oui,
j'en suis sûre
Et le
plaisir du café au kiosque
Le
retour souhaité
Mes
contemporains sont-ils des fous ?
Je ne
sais pas où ça a flanché
Dérapage
incontrôlé
Au
retour de Ouaga, j'ai trouvé des enfants et des adultes très
sophistiqués
Des
enfants aussi capricieux que nous adultes mal heureux
« Ce
petit ira loin »
Que
voulons-nous pour ces enfants ?
J'ai
souffert de ne pas aimer ces enfants à ce moment-là
De les
trouver déjà amochés par ce que l'on attendait d'eux
Aversion
soudaine pour l'école
La
machine à fabriquer
Des
enfants adaptés
Au monde
dans lequel ils vont devoir grandir
Quand
bien même ce serait sensé, j'ai du mal à le concevoir.
L'éducation
On
devrait éduquer chacun à ne pas être « scolaire »
Il
n'y a aucun intérêt à encourager la réussite au détriment du
chemin qui permet de comprendre et de chercher à comprendre par
soi-même
Même,
quel gâchis, la masse d'apprentissage pour la forme
Ouf
on l'a fait, le programme, les notes, la liste de compétences
A
quoi cela sert-il ? Qui cela sert-il ?
Et
si l'école participait à préparer une masse docile et stressée
dès l'enfance pour servir intellectuellement les intérêts de ceux
qui pourront rémunérer les champions
Que
dire de l'émancipation ?
Vaste étendue
Entre
déchets en monticules, il y a un chemin de terre
Et
je nage
Au
loin
Cette
image de Cape Coast et d'enfants ghanéens sur les rochers devant la
mer
On
est loin de la plage à touristes
Un
souffle à l'idée qu'il y a quelque part des traces de vie
non-pré-fabriquée.
Seule avec les bovins
Un
jour du mois d'Août, je profite d'une journée de congé pour aller
me balader. Je décide d'aller visiter une vallée voisine du refuge
où je travaille. C'est la vallée de la Pez, un peu sauvage, dit-on,
très jolie. Après une courte marche, sur un sentier entre petits
bois et rochers, je
découvre la vallée. A l'entrée, une cabane de pierre signe la
présence de la vie pastorale, puis derrière, entre deux flancs
abruptes, s'étend une zone de pâturage, sur laquelle se dessine en
lacets un petit ruisseau. Au fond, la vallée se referme et plonge
dans l'ombre les derniers filets d'herbe grasse coincés entre des
éboulis. Au milieu de ce décor, tranquilles, allongées,
des
vaches se reposent paisiblement. Une trentaine ? Une
cinquantaine peut-être ?
Le
calme est intense, la chaleur aussi et l'ambiance sereine. J'entends
juste le chuintement du ruisseau, et, par moments, de forts
sifflements de marmottes, qui me surprennent et résonnent dans toute
la vallée. J'aime cet endroit, la beauté des couleurs, la chaleur
de l'été, j'observe les fleurs, nombreuses, les papillons qui
virevoltent et m'amuse à gambader dans cet environnement bucolique.
Je regarde avec curiosité les murailles qui m'entourent, comme à
chaque fois que je me promène en montagne, et découvre leurs
reliefs, pics, arrondis, trous, et « rides ». Oui, ces
rides profondes, par lesquelles s'écoulent les eaux de la fonte des
neiges à la fin du printemps. Je remonte dans le temps, en regardant
cette montagne ! Je reviens un instant au temps de sa formation
et à sa lente érosion. J'aime à observer sa forme, à la détailler
du regard pour capter la particularité de sa découpe et ses
moindres recoins, comme si plus tard en fermant les yeux, je la
verrais encore, là, telle qu'elle.
Il est
temps de visiter cette vallée, que de rester à l'entrée et de la
contempler. Je commence avec entrain, je crois, à avancer sur le
sentier. Je suis seule. Enfin, avec les vaches. Ou les vaches sont
seules avec moi...
Ce
qu'elles avaient l'air tranquilles, avant de commencer à se lever,
les unes après les autres, jusqu'à être toutes debout, s'avançant
dans ma direction !
En
quelques secondes, je perds mon enthousiasme naïf. Je regarde le
troupeau et me sens désarmée. J'ai l'impression qu'elles me fixent,
les braves bêtes ! Pour garder mon sang-froid, j'essaie d'imaginer
une trajectoire qui me permette de les contourner, de les éviter, et
d'aller tranquillement me balader dans le fond de vallée pendant
qu'elles continueront à paître paisiblement. Mais voilà, elles
continuent d'avancer, et de par leur nombre, elles occupent plus ou
moins tout l'espace en face de moi. Elles avancent doucement, et mon
cœur s'accélère. Je les regarde, certaines me regardent... Je suis
prise de panique, leur regard est brut ! Je les ai dérangées ?
De si loin, en avançant ? S'avancent-elles vers moi ?
Pourquoi se sont-elles levées toutes en même temps ? Je ne
peux plus avancer, je les sens, hostiles, je sens ma panique comme un
trouble communicatif, et tout va crescendo, mes jambes me trahissent,
je sursaute à la moindre maladresse de mes pas, j'accélère, je
renonce à les contourner, bifurque sans faire demi-tour. Me voilà
devant une rivière, je vais traverser pour être de l'autre côté.
Il y a un peu de courant, j'aurai de l'eau jusqu'aux genoux. Ah, ça !
Ça ne leur plaira pas, c'est sûr ! Elle ne me suivront pas !
Elles ne traverseront pas cette rivière juste pour me suivre, j'en
suis convaincue, et je serai tranquille de l'autre côté. J'enlève
mes chaussures et les secondes me paraissent interminables. Vite de
l'autre côté. Vite.
Mais
voilà. La peur m'envahit, et même si je sais que ma réaction est
trop vive et qu'il n'y a plus lieu de s'inquiéter, je ne trouve pas
le calme une fois de l'autre côté : je vois toujours les
vaches. Et elles continuent à s'avancer doucement dans ma direction
… Pourtant j'ai bifurqué !?! Je me demande alors si ma peur
panique ne les a pas envahies, imaginant que se joue là une scène
absurde dans la vallée. Je n'ai pas le courage de m'arrêter
remettre mes chaussures et je file, pieds nus, ridicule, marchant un
peu sur l'herbe, un peu sur les caillasses, puis confusément au beau
milieu d'une vaste étendue de rhododendrons. Je cherche un point où
je serai cachée, hors de leur vue, où je serai absolument certaine
qu'elles ne me voient plus. Nous aurons disparu, moi pour elles,
elles pour moi, et le trouble panique n'aura plus lieu d'être.
Et en
effet - et ouf ! -, quand je suis enfin à l'abri des regards,
derrière un rocher, à bonne distance du troupeau, et, ce qui n'est
pas un détail, une rivière me séparant de lui, je finis par
souffler. Tout ça pour ça, quelle démesure ! Je m'assois, là,
hébétée et vaincue. Et petit à petit, je retrouve quelques
moyens, au moins celui de remettre mes chaussures... Je sens
l'adrénaline qui a envahi mon corps. Je respire, elles sont toujours
là, mais je ne les vois plus, ces bêtes massives qui ont mis fin au
doux plaisir que j'avais à contempler les beautés géologiques.
Je n'ai
plus qu'à trouver un chemin pour retourner à l'entrée de la
vallée, et un bon passage pour traverser de nouveau la rivière.
Retour à la case départ. Je n'ai plus le cœur à explorer.
Quand
même, je prendrai le temps de me reposer au soleil avant de
redescendre,…Comme les marmottes que je viens de retrouver aux
jumelles... Sur un rocher…Changeant très légèrement de pose,
toutes les quelques minutes, …Tranquille.
Le sentiment de dictature
le sentiment d'être constamment à la merci d'un rouleau compresseur
c'est
quand les gens autour de moi pensent, dans les instances publiques,
politiques et d'entreprise de façon protocolaire et autoritaire au
mépris de la dignité de chacun
c'est
quand ce fonctionnement est communément accepté comme une
composante de la société, que ce fonctionnement semble conditionner
la possibilité de s'intégrer à la vie en société,
quand
les protocoles mis en place à grande échelle asservissent et
privent des fondamentaux une grande partie de la population
c'est
quand le système politique qui régit la vie en société ne défend
pas les intérêts du plus grand nombre
c'est
quand certains s'approprient les moyens de faire, les terres et les
richesses et qu'ils conditionnent les autres pour l'accepter, pour
qu'ils restent dépendants de ce qu'ils ont à proposer, et leur
soient redevables et soumis
quel
merdier
Artes en la calle, Granada
Refuge de la Soula, regard de fin de saison
Imposant Cap de Long
Jeu d'enfant
-
Tu joues ?
-
A quoi bon.
-
Allez !
-
Je voudrais bien, mais je ne sais pas.
-
Tu déconnes ? J'te crois pas.
-
J't'assures, c'est dramatique...
J'aimerais tant…
Apprends-moi…
Apprends-moi
s'il te plait !
-
?
-
? ? ?
So-ho
Il
était si drôle le petit nouveau. Il en menait pas large, dans un
espace si autonome, mais quel rayon.
Il
avait retourné toute l'équipe dès son premier pas dans les locaux.
Un pas assuré et un don de prestidigitateur.
Regarde,
je vais te montrer un truc. Tu me suis ? Sourire timide. Tu vois ce
pot de peinture, rempli de blanc. Je l'ouvre, je saisis plusieurs
pinceaux, je les trempe allègrement, tous en même temps. Les murs
se rapprochent, demandent à être peints, se disputent l'honneur du
premier coup de pinceau. Avec trois mains, je peins à droite, à
gauche et le plafond, faut dire c'était un peu vétuste, et puis ce
blanc peut se colorer un peu. Tu vois, là, je verrai bien une
fenêtre ou un bar. On se pose? Tu veux boire quoi, tu aimes faire
les cocktails ? Si on fouille bien dans nos poches, il doit y
avoir des parapluies en papier et du sucre rosé.
Et
l'endroit s'était enflammé de cet imaginaire qui avait débordé,
l'endroit était devenu ténébreux, idyllique ou invivable, selon le
point de vue.
So-ho,
le petit nouveau. So-ho.
Mis à nus
Il
m'a percé de son regard
Je
l'avais bien cherché
Mais
que faire, je me sens à nue
Où
cela peut-il bien nous mener ?
Il
me tend la perche
Avec
un enthousiasme audacieux
Un
regard soutenu et engageant
Je
ne fuis pas, je lui réponds
avec enjouement
enfantin
Sourire
éclairé d'une tenue à son regard qui invite
Nous
avons été trop loin
Confession
Il
ne
s'attendait pas à cela, mais au fond ça ne le surprenait pas. Je
voudrais être tenancière d'un bordel de gens libres. Oui, pour que
même les timides s'y retrouvent. On devrait dormir près d'un amant
toutes les nuits. Ce serait si simple. Tu veux tenir ce lieu avec
moi ? Puis rien, évidemment. Une élucubration libératrice,
remontée tendre acide d'une nocturne sans fin, entre nuages et PMU.
Accroc, à cran
Elle
entra, superbe. Rayonnante, elle chercha du regard, dévisageant la
cinquantaine de personnes qui bavardait dans la salle, en quelques
secondes seulement.
Rien,
il n'était pas là. Elle entra tout de même. Sourires de politesse
et direction assurée. Au bar, ses copines. Une petite pause avant
d'y retourner : il fallait absolument qu'elle le trouve.
Après la colère
Derrière
les colères invisibles, quels sont les leviers visibles ?
Quels
sont les éléments concrets qui alimentent la colère, qui génèrent
l'impuissance ?
L'organisation
de la vie en société …
Ordre
établi ? Pourtant, simple résultante des actions et
interactions des hommes entre eux et avec l'univers
Que
souhaitons-nous alors ?
Colères
indistinctes légitimes,
complexité
à exprimer et agir, ou réagir dans l'organisation sociale
Souvent
l'impression de subir, au lieu d'interagir.
De
la difficulté à vivre et assumer des positions non conventionnelles
et subversives
Vaderetro charlatana
Viens,
viens te recueillir, ici nous avons tout ce qu'il te faut.
Avec
violence il accéléra, le cœur battant.
Foutez-moi
la paix ! Bordel !
Sisyphe
L'évidence
d'avoir résolu la question de la vie ou de la mort l'obligeait à
vivre le non-sens sans se poser de question. Dans la répétition de
cet essai à vivre chaque jour quand même, il allait bien en sortir
quelque chose.
Vivre
-
Si un jour on vous imposait de vivre, comment réagiriez-vous ?
- Je le
prendrai mal, je n'aime pas qu'on me force
-
Cela dit vous vivez
- Et je
ne l'ai pas choisi
-
Vous l'prenez mal ?
-
Je l'vis c'est tout, bonjour la jungle
-
Personne ne vous force
-
Non
-
Tant mieux
-
Oui, tant mieux
Médecine
Avec
cette franche assurance, elle me rassura en disant :
« Et
ce n'est pas la fin du monde ? »,
en
étant sincèrement compatissante, ferme et inébranlable.
Oui,
la compassion coexistait sur son visage avec la faculté à ne pas se
troubler.
Ouverture
Peut-être
que ce que l'on n'a pas prévu est mieux que tout ce que l'on aurait
pu prévoir.
Alter ego
Qui
es-tu, toi l'autre ?
Comment
se fait-il que tu vives si différemment de moi ?
Tu
continues à vivre sans cesse dans ta façon qui m'est étrange
Et
moi de t'observer et me frotter à toi
Que
pouvons-nous partager ?
A-relationnel
Froide
ambiance dans le wagon
Qui
parlera en premier pour briser le silence ?
Êtres
a-communiquants
Saurons-nous
parler pour ne rien dire ?
Je
suis
le sujet
de
l'expérience
Folie
Ce
serait pure folie que de décider de ne pas être fou
Quelle
folie que d'avoir tenté de ne pas être fou
Déroute ordinaire
La vie
reprend après cet encore Noël. Un, puis deux cafés jetés le temps
de laisser ses paupières s'alléger, madame est silencieuse.
Place
humide, passages entremêlés de piétons, camions, cyclistes, il n'y
a qu'elle qui est là à poser doucement son regard sur les statues
angéliques de la Trinité. Fulgurance des pensées, et musique
lancinante des jets d'eau.
Il va
falloir se replonger dans l'habitude, dans quelques minutes. Ce sera
si plaisant finalement, retrouver ses lieux, ses gestes, des odeurs,
la répétition de ce qui constitue au fond l'une des principales
armatures de sa vie. Cette hâte, cette exaltation intime à y
retourner, il faut la repousser encore quelques instants...l'ignorer
même, pour mieux replonger, enfin.
Il est
10 heures. Elle a déjà payé ses cafés. Elle cherche ses clés et
se dirige vers le numéro 13. Le bureau l'attend. En s'asseyant sur
son siège, des milliards de pensées l'assaillent, reprennent le
devant de la scène. Un stylo, un post-it, « Je vais m'y
coller, voyons ce que j'ai à faire ». Son corps se remplit
d'un afflux nouveau de vitalité, l'activité cérébrale bat son
plein. « Enfin les fêtes sont terminées », pense-t-elle
en ouvrant son agenda déstructuré.
Ce qu'il
est loin le temps de l'insouciance profonde à laquelle elle
s'adonnait sans frein. Pas d'objectif, pas de garde-fous, pas de
contraintes, voguer au gré des situations... Ce jour où elle avait
rencontré Dean... Basculé dans son univers dément, subitement, et
imbibé son regard de la même lueur viscérale. « Allons-y ma
belle, le monde est à nous, en piste, est-ce que tu peux conduire et
raconter toutes tes pensées en les laissant se bousculer sans
censure. Je ne dirai rien. Tu rouleras jusqu'à l'épuisement total
du flot. Moi, j'aime quand l'accélérateur nous projette à ce
stade, tu verras, on sera déjà à l'autre bout du pays quand tu te
réveilleras, rien ne sera déjà plus pareil. »
Elle
avait plongé, c'était plus fort qu'elle. Pourquoi résister.
Pouvait-elle simplement s'opposer à lui, sa proposition
incandescente était son aubaine, son échappatoire, la parenthèse
risquée de sa vie. Elle ne savait pas encore si elle la refermerait
un jour. « Dean, on n'se connait pas, si on buvait déjà un
café. Tu l'aimes comment toi. Avec du lait ou sucré. Et puis
conduire c'est pas mon truc. Qu'est-ce qu'on va se faire chier à
rouler autant ? J'ai pas d'affaires sur moi. Tu dois bien avoir
autre chose à faire que d'écouter des turbulences profondes. Ou
bien tu te nourris de ça ? Comme un vampire, et là, je te
donne mon sang ? »
Déjà
il tremblait d'impatience. Il ne la regardait pas, son regard
vacillait d'un lampadaire à une bagnole, du volant à un passant,
qu'il détaillait scrupuleusement des pieds à la tête. « Tu
démarres ? » Là, déterminée et désemparée, elle tourna la
clé. « Je te préviens, je conduis tranquille. » Il ne
dit pas un mot et son attitude insolente et détachée engageait à
ne plus dévier, ils iraient vers ce cap de l'expérience qui
déroute, liés par la démence, avouée pour lui, juste inavouable
pour elle. De cette parenthèse, il ne lui resterait qu'un tatouage.
Juste un léger tatouage choisi, le long de l'aine. Symbole de cette
tendresse passée qui avait fait refleurir sa vie.
Statut
quo, absences et rêveries. Ce matin, elle avait doucement imaginé
qu'elle replongerait dans sa paperasse en quelques minutes, et
qu'elle embrasserait de nouveau ses travaux, entre deux coups de fil
de bonne année aux collègues. A son grand désarroi, elle se sent
plutôt chuter chaque seconde de manière un peu plus irréversible
vers ses abysses intimes. Branle-bas de combat pour s'accrocher à la
tâche. Cette foutue tâche qui se décompose en elle, dès qu'elle a
une chance de devenir concrète. Qui forme peu à peu un nuage
coloré, tournoyant, impalpable, qui se déplace autour d'elle, la
ramène dans l'ailleurs.
L'ailleurs
? Une errance, de routes en chemins, en voiture, sans maîtrise de la
vitesse, ni point de chute. Et Dean n'est plus à ses côtés. Ça,
c'est bon pour les romans, ou les jours à l'imaginaire exacerbé. La
voilà seule au volant de son bureau, au téléphone avec les
camionneurs qui filent en sens inverse, et qui lui donnent le ton de
la prochaine réunion à la station. Heureusement, pas de boss dans
ce spot libéré où la réalité a perdu pied, où l'esprit a pris
le large pour un univers déconnecté.
Folie
douce... Ce matin, en jetant son café, il lui avait pourtant semblé
que le pragmatisme serait au menu de sa nouvelle année.
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