Paradoxe pandémique

2020 ressemble déjà a 1984. Coupez l'écran du conformisme instantané svp. Nous sommes suspendus à l'information. Qu'a-t-on le droit de faire aujourd'hui ?

Je ne sais plus. Peut-on respirer ? Je voudrais te toucher aussi, mais je vais attendre. On a plus le droit. Je sais pas. Je rentre chez moi. Je vais voir si je peux continuer a te voir.

Nous ne parlons que de lui. A chaque discussion on y revient. Ça ne nous quitte plus, on y pense. Covid. Est-ce exagéré ou pas ? Sommes-nous victimes des statistiques ? Ou faisons-nous preuve de déni, devant un danger mal palpable ?

On discute autour de la mort, de l'angoisse, la culpabilité de nos comportements, l'autorité de l'état, le refus de sa toute puissance. On pIie, on se plie, voilà ce qu'on vit.

Ce n'est pas très acceptable, mais la pandémie nous assigne à la prudence et les masques scellent nos bouches.

- Il n'y a le droit que de travailler.

- La culture ?

- Bof.

- Les lieux de rencontres ?

- Ah surtout pas.

- Réunions de famille, fêtes ?

- Oh non, là c'est pas le moment.

- Bon on s'appelle un de ces jours. Et mets ton masque comme il faut s'il te plaît.

- Mais, je le porte toute la journée !

Il faut juste travailler pour maintenir l'économie. Moi, j'ai envie de te voir. De vous voir. Je préférerais ne pas risquer de me contaminer au travail et risquer un tout petit peu de me contaminer pour voir les gens que j'aime, tu comprends ?

Ca craint, je ne sais plus si je suis solidaire en maintenant ce qui fait la beauté de la vie ou en m'enfermant chez moi pour protéger nos hôpitaux déjà presque trop remplis, et les malades qui peuvent y être soignés, et les soignants qui tirent la sonnette d'alarme.

J'ai perdu la raison a force de ne plus respirer. J'étouffe et je ris, car au fond, ça ne doit pas être si grave. La vie fait son chemin, la mort aussi ; ce n'est pas un drame, n'est-ce pas ?

 

Écrit le 23 octobre 2020,
près d'une semaine après l'instauration du couvre-feu à Toulouse
et une semaine avant le reconfinement.


 

Sous l'eau

Aux côtés d'un banc de poissons
Mon corps flotte
Émerveillé et transis de froid
Ils me regardent
Je les regarde
Élégants et agiles.

Gris, translucides,
Petite tache noire sur fond de peau brillante,
L'œil franc
Plaqué sur un corps à peine plus épais qu'une feuille
Drôle d'œil rond et curieux
À la fois interrogateur et indifférent

Nous sommes si proches...
Malgré mon poids et ma maladresse
Ils restent là,
Confiants, sereins,
Lents, si lents,
Flottant dans l'espace-temps des fonds marins
Univers sourd ou le son ne claque pas.

Ils nagent doucement
Si pres de moi
Comme si nous n'étions pas
Étrangers
Suis-je un poisson ?
Puis-je me joindre à votre ballet ?

Le 16 septembre 2020, sentier sous-marin, Banyuls sur mer

Punaises de sacristie
Grenouilles de bénitier
Et cafards en soutane
Sont sortis du formol.

Ivres de naphtaline
Ils dansent avec la Vierge
Quand des nuées de mésanges
S'élèvent jusqu'au cieux
Pour en chasser les mites

Écrit à 4 mains,
par Martial Klein et Myriam Riffaut